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LE BESOIN CONSTANT DE NOUVEAUTÉ INTERVIEW AVEC BORYS PATON

Grâce à son engagement, l’URSS est devenue, lors de la deuxième moitié du vingtième siècle, l’un des pays à la pointe du soudage à l’arc, et Kiev la « capitale mondiale des soudeurs ». Il s’agit de Borys Paton. Le magazine « Perfect Welding » a eu l’occasion d’interroger ce pionnier sur des sujets tels que les défis des techniques de soudage à notre époque, le soudage TIG ou les sources de courant de soudage numériques.

Professeur Paton, vous êtes le fils du fondateur de l’un des instituts des techniques de soudage les plus importants au monde, et vous avez vous-même dédié votre vie de scientifique aux technologies de soudage. Qu’est-ce qui vous fascine tant à propos du soudage ?

Les techniques de soudage requièrent des recherches intensives, dont les résultats sont incroyablement utiles à la société. Le soudage à l’arc électrique est très important pour le développement de l’humanité. C’est ce qui m’inspire et me fascine dans ce domaine.


Selon vous, quelles sont les évolutions majeures des cent dernières années dans le domaine du soudage à l’arc ?

Les changements les plus spectaculaires ont été amenés par le soudage manuel à l’électrode enrobée, le soudage à l’arc submergé, le soudage à l’arc en atmosphère inerte avec électrode tungstène, ainsi que le soudage sous protection de gaz inerte et de gaz actif. Ces modes opératoires ont été conçus au cours de la période difficile qu’était la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, dans le monde entier, près des deux tiers de l’acier laminé sont utilisés pour la fabrication de structures soudées. Dans la plupart des cas, le soudage à l’arc est la seule méthode d’assemblage possible, et la plus efficace.


Selon vous, quel rôle a joué l’industrie dans cette évolution ?

Les besoins industriels ont déterminé l’évolution des process de soudage : la possibilité d’automatisation des procédés de fabrication et la diversité des géométries des composants ont joué ici un rôle majeur. Pour se conformer aux exigences croissantes de l’industrie, de nouvelles méthodes ont été créées dans les techniques de soudage, afin d’assembler efficacement des matériaux tels que des aciers hautement alliés ou très résistants, ainsi que des alliages non ferreux, avec les épaisseurs de matériaux les plus variées. Ces exigences industrielles sont à l’origine du soudage à courant alternatif, des process pulsés aux modes opératoires à régulation moderne, en passant par les paramètres d’autocorrection. Aujourd’hui, l’industrie cherche à imposer le développement des combinaisons utilisées dans les process hybrides.


Quelle importance revêt l’« ancien mode opératoire » de soudage TIG du point de vue de l’application industrielle ?

Le soudage TIG est et demeure le meilleur choix lorsque la soudure doit répondre à des exigences élevées en termes de qualité, que l’on soude de l’acier inoxydable, de l’aluminium, du titane, ou encore des alliages de nickel. L’utilisation de l’arc électrique TIG pulsé allié au contrôle mécanique de l’électrode en tungstène améliore la qualité de l’assemblage. Par ailleurs, des innovations révolutionnaires permettent d’améliorer nettement la rentabilité du soudage TIG. On peut notamment mentionner l’utilisation de substances actives (Activating Flux ou « A-TIG »), le soudage TIG haute fréquence (High Frequency Pulse ou « HFP-TIG ») ou encore l’utilisation de gaz inerte avec addition de gaz actif.

À l’avenir, le soudage TIG jouera un rôle de plus en plus important dans le soudage d’assemblage, notamment dans le domaine de l’industrie de production, et surtout sur les sites qui utilisent des robots. Dans ce cadre, l’une des tâches principales consiste à souder avec une seule couche des grandes parois de dix millimètres d’épaisseur et plus. Le soudage orbital TIG à chanfrein étroit recèle lui aussi un grand potentiel d’avenir pour l’amélioration des performances, par exemple dans la fabrication de conduites ou pour l’assemblage de matériaux de base de nature différente.


Aujourd’hui, l’électronique de puissance a pris une place essentielle dans les techniques de soudage. Comment s’est répercutée l’évolution des sources de courant de soudage numériques ?

La source de courant numérique, avec son circuit de contrôle intelligent et ses différents capteurs, influence toutes les industries qui utilisent la technologie de soudage, par exemple la technologie énergétique, l’industrie automobile et la construction navale. La technologie modifie profondément les exigences qualité qui s’appliquent aux produits soudés. Le contrôle adaptatif des process dans les systèmes de soudage numériques permet de diminuer les contraintes résiduelles de soudage et la déformation des composants, ce qui améliore la qualité des produits fabriqués.

La technologie numérique transforme aussi le quotidien des utilisateurs : le soudage se rapproche de plus en plus des méthodes et instruments informatiques, ce qui se retrouve dans la formation des spécialistes des systèmes, des technologues et des opérateurs. Les connaissances des logiciels, du matériel et des équipements informatiques doivent être davantage ciblées. Je pense que cela éveillera également l’intérêt de personnes plus jeunes pour le métier de soudeur.


Malgré cela, les métiers du soudage déplorent un manque de relève ces dernières années. Quelles seraient les autres solutions pour orienter les jeunes gens vers une carrière dans les techniques de soudage ?

Je pense qu’une formation attractive est indispensable. Par ailleurs, les employeurs doivent créer les conditions nécessaires pour que leurs employés puissent évoluer. L’humain recherche fondamentalement le succès ; il s’engagera là où il peut le trouver.


Selon vous, dans quoi résident les défis majeurs en termes de techniques de soudage à notre époque ?

De plus en plus de constructions et machines ont atteint une durée de vie critique, ce qui place les soudages de remise en état au centre des conversations. Dans les entreprises énergétiques, les sociétés de transport, ou encore l’industrie chimique, il est crucial d’assurer un fonctionnement sûr. Il est donc important de mettre en oeuvre des procédés fiables pour déterminer la durée de vie restante des structures soudées. Le montage des constructions doit également évoluer afin de faciliter les travaux de maintenance et de remise en état. Étant données les conditions variables, et souvent complexes, les systèmes de soudage, les process et les compléments doivent aussi être améliorés. Voilà le défi le plus urgent que les experts de soudage devront relever au cours des années à venir.


La prochaine génération d’experts du soudage devra également faire face à des tâches complexes.

Sans aucun doute. Mais selon moi, c’est aussi dans ce besoin constant de rechercher des solutions inédites et de créer de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux et de nouvelles structures, que réside la beauté du soudage.

Borys Paton naît en 1918 à Kiev. Diplômé de l’Institut polytechnique de Kiev, il commence une carrière d’ingénieur avant de se tourner vers l’institut « E.O. Paton Electric Welding Institute », créé en 1934 par son père, Evgueny Paton, à l’Académie des Sciences de l’URSS. À la mort de son père, en 1953, il reprend la tête de l’institut, qui compte parmi les établissements de recherche sur le soudage électrique les plus célèbres au monde. Dans les années qui suivent, Paton crée les conditions nécessaires à la poursuite des travaux de recherche, établit des contacts décisifs avec l’industrie et fait notamment avancer les méthodes du soudage mécanique.
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